Le Québec a fait figure de pionnier en interdisant la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle dans sa Charte des droits et libertés de la personne dès 1977. Deux décennies plus tard, une série de législations assuraient la reconnaissance des unions entre personnes du même sexe (unions de fait en 1999, union civile en 2002) ainsi que de leurs droits parentaux (2002). La législation canadienne autorisant le mariage entre conjoints/conjointes de même sexe en 2005 est venue sceller cette évolution vers une égalité juridique formelle.
En 2004, un dialogue s’est amorcé entre le gouvernement du Québec et les organismes LGBT1 afin d’échanger sur la persistance de la stigmatisation et de la discrimination envers les minorités sexuelles. En 2005, le ministre de la Justice confiait à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) le mandat de diriger les travaux d’un groupe de travail chargé de dresser un portrait des problématiques relatives à l’homophobie au Québec. Ce groupe réunissait des représentants et représentantes de ministères et d’organismes publics, des milieux communautaires, syndicaux et universitaires, dont les savoirs et les points de vue complémentaires se sont enrichis mutuellement. Publié en mars 2007, le rapport de la CDPDJ, De l’égalité juridique à l’égalité sociale – Vers une stratégie nationale de lutte contre l’homophobie2, montrait que l’homophobie demeure bien présente dans diverses sphères de la vie et fait obstacle à l’obtention d’une réelle égalité sociale pour les personnes de minorités sexuelles, en dépit des avancées législatives consacrant leur égalité en droit. Le rapport incluait aussi une série de recommandations, dont l’une concernant la mise en place d’une chaire de recherche universitaire sur « les réalités des personnes de minorités sexuelles et les impacts de l’homophobie et de l’hétérosexisme » (p. 72).
En décembre 2009, le gouvernement du Québec mettait en application la première recommandation du rapport de la CDPDJ en adoptant la Politique québécoise de lutte contre l’homophobie3. Le Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie 2011-20164, élaboré en consultation avec une coalition d’organismes LGBT et comprenant 60 mesures, était lancé quelque deux ans plus tard, en mai 2011. Le soutien à la mise en place d’une Chaire de recherche sur l’homophobie (CRH) par le ministère de la Justice du Québec constitue une mesure phare de ce plan d’action. La création de cette chaire vise à accroître les connaissances relatives à la diversité sexuelle et à la pluralité des genres, ainsi qu’aux moyens de contrer l’homophobie plus efficacement. Elle répond aux souhaits exprimés par les principaux acteurs institutionnels, communautaires et universitaires engagés dans la lutte contre l’homophobie au Québec.
Le premier mandat de la CRH s’est avéré très fructueux. La titulaire, Line Chamberland, et l’équipe de 22 chercheur-e-s rattachés à la CRH ont grandement contribué au développement du champ d’études de la diversité sexuelle et de la pluralité des genres, et lui ont assuré une meilleure visibilité au sein du monde de la recherche. Les études réalisées confirment l’importance de poursuivre l’exploration de l’hétérogénéité au sein des minorités sexuelles et de genre ainsi que les intersections entre différents rapports sociaux producteurs d’inégalités et d’exclusion sociale.
De nouvelles questions émergent constamment avec les transformations sociales observées. Pensons par exemple aux impacts des médias sociaux ou à la multiplication des identités relatives aux orientations sexuelles et aux genres. Plusieurs aspects du champ d’études demeurent trop peu examinés, comme les interactions entre les différentes sphères de vie qui composent l’entourage de la personne (famille, travail, amis, loisirs, etc.) ou encore les facteurs de différents niveaux qui contribuent à la résilience individuelle et collective. L’accessibilité aux travaux de recherche réalisés et la mobilisation des connaissances effectuée par la Chaire sont tout aussi essentielles aujourd'hui et justifient le maintien du caractère partenarial de la CRH. La Chaire de recherche a été renouvelée pour un second mandat en mai 2017 dans le cadre du Plan d’action de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2017-2022 du ministère de la Justice du Québec.
En 2019, Martin Blais est nommé cotitulaire, avec Line Chamberland, de la Chaire de recherche sur l’homophobie. Cette décision reflète la volonté de Line Chamberland de partager le titulariat, ainsi que l’expertise de Martin Blais et la pertinence scientifique et stratégique de poursuivre le développement de la recherche sur les thématiques liées à la diversité sexuelle et de genre. En effet, le champ des études sur les minorités sexuelles et de genre connaît une croissance constante. La Chaire de recherche sur l’homophobie a su s’y tailler une place comme pôle d’expertise au Québec et au Canada. Sa thématique de recherche accorde la priorité aux travaux sur la stigmatisation et les discriminations envers ces minorités qui nuisent à leur bien-être et font obstacle à leur intégration sociale et au plein exercice de leur citoyenneté. À ce jour, plusieurs des enjeux nécessitent d’être approfondis.
Depuis 2020, Martin Blais est seul titulaire de la Chaire, dont le nom est désormais Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres.
1. L’acronyme LGBT signifie lesbiennes, gais, personnes bisexuelles et transsexuelles/transgenres. Peuvent s’y ajouter d’autres lettres désignant des groupes faisant partie des minorités sexuelles (par exemple, B pour Bispirituel, I pour Intersexe).
2. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) (2005). De l’égalité juridique à l’égalité sociale – Vers une stratégie nationale de lutte contre l’homophobie.
3. Ministère de la Justice (2009). Politique québécoise de lutte contre l’homophobie.
4. Ministère de la Justice (2017). Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2017-2022.