Mai 2014, Université Concordia
Colloque présenté par l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF/UQAM) et la Chaire de recherche sur l’homophobie lors de la 82e édition du congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) 2014.
Description du colloque : En 1903, à Berlin, Anna Rueling appelait le mouvement homosexuel et le mouvement des femmes à s’entraider puisque tous deux luttaient pour la liberté et l’autodétermination individuelle. Un siècle plus tard, quelles convergences peut-on observer entre féminismes et luttes contre l’homophobie? Sur le plan de la pensée, quels rapprochements contemporains peut-on identifier entre le champ des études féministes et celui de la diversité sexuelle et de genre? Comment s’articule l’intersection entre ces deux systèmes de différenciation hiérarchique que sont le sexisme et l’hétérosexisme? Quels théories et concepts y circulent de manière transversale, et avec quelles redéfinitions? On pense entre autres au concept central de genre, défini tantôt comme système de domination des hommes sur les femmes, tantôt comme identité ou expression de soi. Par ailleurs, alors que certaines études empiriques montrent l’imbrication des processus de (re)production des normes de genre et de celles établissant la supériorité de l’hétérosexualité, comment les luttes féministes pour déconstruire les stéréotypes de genre et les interventions contre l’homophobie s’arriment-elles, ou non, sur le terrain? Assiste-t-on à une vague féministe qui intègre la diversité sexuelle? La réciproque existe-t-elle du côté de la militance anti-homophobie (ou anti-LGBT-phobies)? Sur le plan historique et sur celui des luttes, la lesbophobie présente dans la société et dans les groupes de femmes constitue-t-elle une donnée incontournable ou un ressort important de réflexion? On n’a qu’à penser à l’imaginaire lesbophobe nourrissant les idées reçues sur les féministes comme leur décalage d’avec les normes esthétiques dominantes, leur comportement masculin ou la violence « virile » de leurs protestations. Le colloque veut stimuler les échanges autour de ces questions.
Responsables : Line CHAMBERLAND (Université du Québec à Montréal), Caroline DÉSY (IREF/UQAM)
Conférence d'ouverture
Vendredi 16 mai 2014
« Toutes des lesbiennes! Antiféminisme et homophobie, une complicité à l’épreuve du temps »
Auteure : Christine Bard, professeure d’histoire contemporaine, Université d’Anger, Directrice du programme de recherche, projet de recherche Genre et discriminations (GEDI)
Résumé de la conférence : Antiféminisme et lesbophobie forment un couple ancien et solide. Leur union, dès le XIXe siècle, précède même l’invention des mots pour dire ces combats politiques. Ils continuent de nos jours à former une des idées reçues les plus puissantes à propos des féministes, « toutes lesbiennes ». A partir des années 1970, la proximité des luttes de libération des femmes et des homosexuel.les, souvent proches, semblent concrétiser le fantasme. Un féminisme lesbien voit le jour. De nos jours, la troisième vague du féminisme donne une place centrale à la dénonciation de l’hétérosexisme. C’est fort logiquement que l’antiféminisme et l’homophobie se confondent plus que jamais. Dans cette intervention introductive, il sera surtout question du cas français, sur une large période, depuis les premières traces de « lesbophobie » dans des discours hostiles aux droits des femmes, jusqu’au très contemporain : depuis un an environ, dans l’élan des mobilisations sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, la dénonciation de la « théorie du genre » réunit le refus de l’égalité, l’affirmation d’une différence sexuelle éternelle, naturelle, binaire, et les LGBT phobies. Pas de divorce en vue donc, pour cette redoutable alliance qui rend improbable un antiféminisme qui ne serait pas homophobe ou une homophobie qui ne serait pas antiféministe. Les luttes féministes et LBGT en tirent-elles toutes les conséquences ?